Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport et rédacteur en chef de www.docdusport.com
Chloé a 22 ans. Elle fait du fitness et de la course à pied. En été, elle pratique assidûment le trail en montagne et la randonnée. Profitant de son excellente condition physique, elle prépare le grâle ! Elle souhaite faire le GR 20 sur l’île de beauté dans 3 mois. Malheureusement, elle se fait régulièrement des entorses de cheville et cherche une solution rapide !
Le Doc : Chloé, raconte-moi les traitements dont tu as déjà bénéficié.
Chloé : J’ai fait des tonnes de kiné mais ça n’a pas marché ! En footing, à la moindre irrégularité de trottoir, ma cheville se tord … et parfois je tombe ! Vous voyez problème si ça m’arrive en Corse, dans un pierrier en descente ! … En plus, je n’ai ni le temps ni l’envie de me faire opérer !
Le Doc : C’est vrai ! Au-delà de tes douleurs et de la réussite de ton projet sportif, il en va de ta sécurité ! Il faut néanmoins que tu comprennes. Même avec de la rééducation, quand le ligament est fortement distendu, il se met en tension trop tardivement. Le cerveau est informé du mouvement anormal et enclenche la contraction des muscles stabilisateurs alors que la situation est devenue mécaniquement irrécupérable ! Mais, on va trouver des solutions !
J’examine Chloé et je mets en évidence des mobilités articulaires excessives … mais pas dramatiques. On parle de « laxité ». A priori, je ne décèle aucune autre lésion articulaire, notamment sur son cartilage, ses os et ses tendons.
Chloé : Je vous ai amené mon IRM et mon échographie …
Le Doc : Tes images sont en adéquation avec ton examen. Seuls tes ligaments sont lésés. Ces structures sont des cordelettes qui relient un os à un autre os, en passant par-dessus une articulation. Ils guident et limitent le déplacements articulaire … et quand celui-ci est brutalement excessif ils s’abîment !
Chloé : Ils sont complètement déchirés ! ?
Le Doc : Par endroit seulement ! Il est nécessaire que je t’explique. Chaque articulation est entourée d’une membrane appelée « capsule ». Elle contient un liquide lubrifiant, la synovie. Les ligaments sont en fait des renforts de ce sac qui se forment dans les secteurs les plus sollicités mécaniquement.
ENTORSE GRAVE : UN TROU DANS UNE NAPPE, PAS UN CÂBLE ROMPU !
Ainsi, après ne grosse entorse, tu n’as pas cassé un câble qui s’effondre mais tu as fait un trou dans une nappe. Il existe du tissu tout autour et les extrémités sont moins éloignées que tu ne l’imagines. Une cicatrisation est envisageable !
Chloé : Mais, je me tords les chevilles depuis des années … sans aucune guérison ! Je peux encore cicatriser !
Le Doc : Tu as raison de douter ! La réparation initiale du tissu est permise par la rupture des petits vaisseaux qui traversent les ligaments. Le saignement qui en résulte est à l’origine d’une croute profonde qui bouche le trou dans nappe … et le sang amène de nouvelles cellules qui vont refaire du tissu efficace.
INSTABILITÉ CHRONIQUE : PLUS DE CICATRISATION POSSIBLE …
Si tu rates la période propice en négligeant les soins sur les premiers épisodes, tu gardes ton trou dans la nappe ! Et lorsque tu tords à nouveau la cheville, les ligaments déjà rompus ne saignent plus … et tu ne peux plus réparer ton ligament !
Chloé : Alors, comment faire !
Le Doc : Je te propose de relancer le processus naturel ! On appelle ce traitement les PRP pour Plasma Riche en Plaquettes. Le radiologue te fait une prise de sang, centrifuge le tube, prélève la hauteur correspondant à tes plaquettes.
LE PRP RELANCE UNE CICATRISATION NATURELLE
Ces mini cellules s’agglutinent sur les coupures, comblent les plaies et attirent des cellules souches qui reforment un tissu spécifique. Sous échographie, l’imageur peut parfaitement t’en injecter dans les lésions de ta membrane articulaire !
Chloé : C’est nouveau ? Je n’en ai jamais entendu parler.
Le Doc : Voilà plusieurs années que cette méthode existe. On a déjà commencé avec les sportifs de haut niveau demandeurs de solutions rapides et efficaces. C’est validé dans bon nombre de localisation … mais il n’y a pas encore d’étude dans les laxités de cheville.
LE PRP, UNE COLLE BIOLOGIQUE
Cependant, le processus biologique se déclinent de façon comparable dans toutes les articulations du corps … D’ailleurs, nombre de mes patients sportifs en ont déjà bénéficié … et ça marche bien ! De toute façon, il n’y a pas de risque car un médecin expert va t’injecter au bon endroit ton propre sang concentré !
Chloé : Pas de souci ! J’ai confiance et vous m’avez convaincu ! En pratique, comment fait-on ?
Le Doc : C’est simple ! Tu prends rendez-vous avec un radiologue expérimenté en PRP. Je peux t’en proposer plusieurs. Tu sers un peu les dents … car c’est souvent douloureux ! Tu mets une chevillière qui stabilise rigoureusement ta cheville pendant 6 semaines.
LE PRP MIME UNE LÉSION RÉCENTE, AVEC BEAUCOUP PLUS DE PLAQUETTES
C’est le délai théorique de cicatrisation ligamentaire. Le modèle BOA de chez Thuasne est efficace et rentre néanmoins aisément dans une chaussure décontractée. Tu la gardes 24/24, même la nuit pour éviter la bascule spontanée de ton pied quand tu dors ! Tu ne la retires que pour la toilette. Cependant, tu poursuis ta vie quotidienne et tu bosses normalement !
Chloé : On prend aussi des médicaments ?
Le Doc : J’ajoute à cette stratégie deux compléments nutritionnels incontournables, des peptides de collagène et du silicium. Le collagène correspond aux fibres microscopiques des ligaments. Les peptides de collagène sont des fragments de cette grosse molécule, ils sont absorbés dans l’intestin sans être ni digérés ni coupés.
TU VIS TA VIE AVEC UNE ATTELLE BOA PENDANT 6 SEMAINES
Ils n’agissent pas comme une simple matière ; ils exercent un « effet signal » sur les fibroblastes, les cellules qui reconstituent le ligament. Elles sont stimulées comme s’il y avait de gros dégâts tissulaires … comme si l’entorse venait de se produire ! On est totalement dans l’esprit du PRP qui relance le processus naturel de cicatrisation initiale.
SILICIUM ET COLLAGENE POUR NOURRIR LES LIGAMENTS
Le silicium relie les fibres de collagènes entre elles et leurs confèrent l’aptitude à coulisser les unes par rapport aux autres. Cet oligoélément est indispensable pour restaurer les qualités mécaniques complexes du ligament associant élasticité et solidité.
Chloé : Et le sport ?
Le Doc : Tu crois peut-être que je vais te condamner à la sédentarité à l’approche de ton challenge ! Non ! Tu peux progressivement faire de multiples activité … mais toujours avec la chevillière ! Pendant les 10 jours correspondant à la durée de vie des plaquettes, tu les laisses tranquilles ! Pas de sport avec la cheville !
10 JOURS APRES PRP : PAS DE SPORT AVEC LA CHEVILLE … MUSCU SANS APPUI DES PIEDS POSSIBLES !
Cependant, en salle, tu es autorisée à garder la forme ! Bien évidemment, tu as carte blanche pour la musculation des bras ! Concernant les jambes, tu peux utiliser tous les appareils laissant les pied sans appuis ! Insiste sur le freinage de la charge afin de t’entraîner aux contraintes tissulaires de la descente ! Pour le cardio, il y a désormais pas mal de vélo à bras avec des sièges dans les salles bien équipées. Attention ! Pas de natation ! même avec un pull-boy ! La cheville ballote trop !
Chloé : Et après 10 jours ?
Le Doc : Passé ce délai, les berges du trou dans ton sac articulaires sont jointives mais très fragile. On débute la cicatrisation. Tu peux commencer le vélo. La cheville ne bouge pratiquement pas lors du pédalage.
DE J10 A J30 : VÉLO, ELLIPTIQUE,
Il est vraiment préférable de le pratiquer en salle ou à la maison pour éviter les mouvements intempestifs du vélo d’extérieur : aller le chercher à la cave, t’arrêter au feu et redémarrer, etc. Bien évidemment, pas de passage en danseuse … et surtout pas de pédale automatique dont le déchaussage reproduit quasiment un geste d’entorse ! En revanche, tu as mon accord pour monter rapidement les intensités !
Chloé : … Eh ! Je ne vais pas faire le GR 20 à vélo 😊
Le Doc : J’adore quand tu me taquines les neurones ! Dès J20, tu passes à l’elliptique ! Voilà qui te rapproches du geste du trail ou de la randonnée avec bâtons. Comme à vélo, tu utilises rapidement les séances programmées qui t’amènent à l’essoufflement.
TAPIS EN COTE A 4 SEMAINES ET MARCHE NORDIQUE
En parallèle, tu peux faire des squats et de la presse sur deux jambes. On se reverra à ce moment-là mais sache qu’à partir de J30, tu commences le tapis ! L’astuce : sol régulier et côte … sans descente en marchant vite pour te préparer intensément et spécifiquement en toute sécurité !
Chloé : Quand puis-je recourir ?
Le Doc : J’aime bien attendre 6 semaines car les foulées secouent légèrement les ligaments.
Cependant, n’hésite pas à trottiner sur le tapis en côte dès 5 semaines. A cette période, en renfo, tu débutes la presse sur une jambe et les fentes. Après un mois et demi, tu enchaines avec le footing dehors, sur terrain régulier équipé d’une chevillière plus souple. J’aime bien la FILMISTA de chez ZAMST. Tu renoues avec la randonnée sur des terrains de plus en plus accidentés. Soit, tu gardes ton orthèse BOA avec des chaussures de trail.
COURSE A 5 SEMAINES
D’expérience, ça passe bien ! Soit, tu optes pour des chaussures montantes qui ne se desserrent quand tu crapahutes … pas facile à trouver ! Là encore, je te conseille les quelques modèles équipés du système BOA sur la tige haute. Adidas fait la TERREX par exemple ! Avec cette préparation boostée par ton goût pour le sport, tu seras largement prête dans 3 mois pour ton GR 20 !
Chloé : Et la kiné ?
Le Doc : Attention, je travaille avec un réseau de kiné du sport compétents et informés qui respectent le protocole. Sinon, je ne suis pas très fan dans cette indication thérapeutique atypique. Ceux qui ne connaissent pas te demande de retirer la BOA et te jette sur un plateau instable …
PAS DE KINÉ SANS ATTELLE !
Cette stratégie ultra-fonctionnelle a mis en évidence ses limites et provoque des laxités comme la tienne, impossible à compenser avec une bonne coordination ! En tout cas, cette méthode énergique est contre-indiquée après PRP ! Avec ton programme sportif progressif et un peu d’autorééducation, tu guide déjà très bien la cicatrisation de ton ligament.
Chloé : Ça consiste en quoi l’autorééducation ?
Le Doc : Déjà, tu gardes la BOA pour faire tes exercices d’équilibre ! Ainsi tu ne tirailles pas trop ton ligament qui cicatrise tranquillement. Les tensions latérales que provoquerons tes micro mouvements dans la chevillière se montrent largement suffisants pour orienter ses fibres dans l’axe des tensions mécaniques, adapter sa structure à sa fonction et le rendre plus solide. A J10, tu commences à maintenir l’équilibre sur un pied.
AUTORÉEDUCATION AVEC ATTELLE
Petit à petit, tu augmentes la difficulté. Tu débutes devant une glace puis face à un mur. Dans ces conditions, ta vision t’aide à maintenir ton équilibre. Ensuite tu pianotes sur ton portable puis tu fermes les yeux … comme si tu regardais un superbe paysage corse loin devant toi, sans te concentrer sur tes appuis ! Enfin, tu passes sur sols instables. D’abord un gros coussin puis ton matelas.
Chloé : Je fais tout ça pieds nus ?
Le Doc : Excellente question Chloé ! Réponse originale mais pleine de bon sens ! Il est bon de terminer avec les chaussures que tu vas utiliser ! En effet, malgré les tiges montantes, il persiste des difficultés ! Avec des semelles épaisses ton pied ne peut pas épouser les petites irrégularités de terrain, c’est ta cheville qui encaisse. De plus, ta voute plantaire n’apporte plus d’information subtile sur tes appuis. La rééducation du sport se doit d’être spécifique ! Bien-sûr, un bon kiné peut te concocter cette progressivité rigoureuse …
AUTORÉEDUCATION AVEC CHAUSSURE
A l’issue de son suivi … et après son épopée Corse, Chloé est revenue me voir. Tout s’était bien passé ! L’examen clinique montrait une nette réduction de la laxité, c’est-à-dire que l’amplitude de la bascule de sa cheville lorsque je mobilisais son articulation. L’échographie mettait en évidence la présence d’un ligament continu et épaissi méritant quelques massages « mécanisants ». De la kiné traditionnelle a été programmée dans ce but mais aussi pour réaliser avec des exos de stabilisation sans orthèse. Chloé avait repris ses footings Parisiens sans chevillière … et sans encombre ! Par sécurité, elle conservait encore ses FILMISTA pour le trail car je lui avais indiqué qu’un ligament mettait malgré tout un an à retrouver sa solidité. En parallèle, nous avons initié une transition minimaliste pour mieux sentir le sol et réduire encore le risque d’entorse ! Nous en reparlerons !
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