Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport.
Rédacteur en chef de www.docdusport.com
Emilie a 32 ans. Elle est officier de l’armée française. Elle travaille au ministère de la Défense. Sa mission : interpréter les images satellites en secteur de guerre ou de tension. En cohérence avec son métier, elle entretient sérieusement sa condition physique. Elle fait du sport quotidiennement et alterne course à pied, musculation guidée, libre et fonctionnelle. Enthousiaste et volontaire, elle s’entraîne parfois un peu trop intensément … et me consulte de temps à autres pour de petites blessures.
Le Doc : Emilie, Ravi de vous revoir … malgré le bobo qui vous amène ! Racontez-moi ce que vous devenez ?
Emilie : Après avoir obtenu mon concours, je suis parti au Mali pour faire mon boulot en prise direct avec l’encadrement, en zone de conflit. Là-bas, entre les actions sur le terrain, l’ambiance est très sportive et très masculine. J’ai essayé de m’intégrer et de me faire respecter … je crois que j’ai envoyé un peu fort en CrossFit. Très vite, j’ai eu mal à l’épaule …
Le Doc : Aie ! Quels étaient les mouvements qui vous gênaient le plus ?
Emilie : J’avais des douleurs en montant les bras. Je n’arrivais plus à balancer les kettles. Je souffrais aussi en montant les haltères le long des oreilles … le fameux développé militaire … comme par hasard 😊
Mon cerveau liste les hypothèses diagnostiques. Il retient en premier lieu une souffrance de la coiffe des rotateurs, ces tendons qui centrent la tête de l’humérus sur l’omoplate et frottent sur des reliefs osseux en cas d’élévation du bras trop difficiles ou trop nombreuses. Heureusement, un examen exhaustif, programmé et orienté vers l’ensemble des causes envisageables réoriente ma réflexion.
ENTRETIEN EXHAUSTIF ET BIENVEILLANT
EXAMEN COMPLET, PROGRAMME ET ORIENTE
Le Doc : Emilie, je vais vous examiner. Montez les bras devant vous … et sur le coté …Gardez les coudes au corps et tournez les mains vers l’extérieur.
Emilie : ça fait mal et je ne vais pas très loin…
Le Doc : C’est vrai, vos amplitudes sont très limitées. C’est la douleur qui vous empêche de monter ou vous sentez comme un blocage ?
Emilie : ça coince et si j’insiste ça fait mal !
Le Doc : Je vais essayer de mobiliser votre membre supérieur sans que vous sollicitiez vos muscles … Ah, ça ne pas plus loin ! C’est votre articulation qui est raide, c’est indépendant des tensions sur vos tendons. Je vais les tester pour en avoir le cœur net …
En effet, vous n’avez pas de douleur lors des contractions spécifiques … même associées à des coincements contre les aspérités osseuses. Vous avez une capsulite !
TENDINITE : MOUVEMENTS ACTIFS LIMITES PAR LA DOULEUR
CAPSULITE : MOUVEMENTS PASSIFS LIMITES PAR LA RAIDEUR
Emilie : J’étais persuadé d’avoir une tendinite ! C’est quoi une capsulite ?
Le Doc : Dans capsulite, le suffixe « ite » signifie inflammation, irritation ou lésion … comme dans « appendicite ». Le mot capsule décrit le sac qui entoure chaque articulation et contient le lubrifiant biologique favorisant le glissement de os. Cette enveloppe se doit d’être souple et ample pour autoriser le mouvement. C’est particulièrement vrai au niveau de l’épaule qui peut tourner à 360° … Chez vous, cette membrane s’est rétractée. Les replis qui permettaient une grande amplitude gestuelle ont collé les uns sur les autres.
Emilie : C’est étrange comme blessure ! C’est fréquent en musculation ?
Le Doc : Il ne s’agit pas d’une lésion typiquement sportive … mais les athlètes ne sont pas épargnés …
Emilie : Je ne comprends pas bien … Alors, quelle est la cause ?
Le Doc : Il existe parfois un point de départ mécanique, un surmenage tissulaire de l’articulation. L’énergie déployée pour vous intégrer et vous faire respecter en salle de CrossFit peut constituer l’épine irritative. Cependant, l’origine de la capsulite est fortement émotionnelle. On pense que sous l’effet des hormones du stress, les vaisseaux sanguins menant à l’épaule de ferment. La membrane manque d’oxygène et de nutriments. Elle se fibrose, s’enraidie et se rétracte … Bref, il faut qu’on discute ! Avez-vous une idée ? Etiez-vous anxieuse à l’idée de rejoindre une zone de conflit ? … ça pourrait aisément se comprendre !
CAPSULITE : COMPOSANTE EMOTIONNELLE OMNIPRESENTE
PROBABLE FERMETURE DES VAISSEAUX PUIS RETRACTION DES MEMBRANES
Les yeux d’Emilie s’écarquillent d’un bleu lumineux ! Incontestablement, elle vient de comprendre … Elle vient de se comprendre !
Emilie : A l’idée … non pas du tout ! Mais la réalité m’a sauté à la tronche … Alors que le 4X4 venu me récupéré à l’aéroport rentrait dans le camp, une sirène a retentit. Le chauffeur a accéléré et slalomé dans le dédale des bâtiments. Il a pilé devant une porte blindée. L’officier qui m’accompagnait m’a attrapé par le col, fait descendre les escaliers à toute allure et il m’a énergiquement calé au fond de l’abri. Une pluie de missiles arrosait le secteur … Ce n’était pas un bizutage scénarisé ! C’était la vraie vie sur place ! J’étais vacciné … ça me changeait du ministère au métro Balard ! … Et incontestablement, j’ai commencé à souffrir peu de temps après …
Le Doc : Les militaires sont des êtres humains … avec des émotions et des peurs ! Les meilleurs peuvent souffrir de syndrome post-traumatiques. On peut probablement classer votre capsulite dans cette catégorie. Mais, rassurez-vous Emilie, vous allez guérir sans séquelle ! C’est un peu long … Les bouquins indiquent 12 à 18 mois mais nous allons grapiller un peu de temps. Vous êtes de bon pronostic car vous avez d’emblée trouvé la cause et accepté la composante psychologique. De surcroît, vous êtes sportive et vous allez tolérer qu’on tire un peu sur votre membrane pour retrouver de l’amplitude quitte à taquiner le seuil douloureux. Les vrais anxieux qui ne comprennent pas ce qui leur arrivent craignent de s’aggraver s’ils ont un peu mal en rééducation.
BONNE EVOLUTION SYSTEMATIQUE EN 12 A 18 MOIS
Emilie : Alors que va-t-on faire ? Quel est le traitement ?
Le Doc : Plusieurs ingrédients essentiels s’intègrent au cocktail thérapeutique : patience, sérénité et fonction ! Vous allez vivre votre vie aussi normalement que possible pendant cette période. Vous allez continuer le sport pour garder la forme et le moral. Sans compter que mobiliser votre épaule dans les secteurs disponibles permet un rodage articulaire et un entretien musculaire tout à fait bénéfiques ! Vous ne pouvez pas monter ni écarter les bras, qu’importe ! Vous allez les bouger d’avant en arrière ! Vous pouvez courir en les balançant … vous pouvez même, en fonction des douleurs, mettre des gants lestés. Commencez par 250 grammes et dans quelques semaines passez à 500. Je vous conseille aussi la marche nordique ou Afghane. Les activités dans la nature ont validé leur efficacité pour réduire le stress et gérer les émotions. En vous baladant, n’hésitez pas à méditer, sentir votre respiration ample et apaisée, accueillir le bruit du vent dans les feuilles, l’odeur de la rosée, le scintillement de l’aube à l’horizon … et bien-sûr le mouvement de vos bras !
VIVE LE SPORT SOLLICITANT LES BRAS DANS LES AMPLITUDES DISPONIBLES
FOOTING, MARCHE NORDIQUE, RAMEUR, ELLIPTIQUE
En salle, elliptique et rameur sont parfaitement indiqués. En commençant mains basses, vous ne ressentirez aucune gêne. Au fur et à mesure de vos progrès, vous pourrez les monter sur les bâtons et vous parviendrez à soulever un peu la rame. Lorsque vous arriverez à la mettre de temps à autre au-dessus de la tête, vous pourrez aller nager la brasse.
Emilie : devrai-je faire de la kiné ?
Le Doc : Oui, bien-sûr ! Je vais vous trouver la perle rare ! Un kiné qui va vous chouchouter, vous masser et vous mobiliser l’articulation. Il prendra soin de vos émotion, travaillera la relaxation et la cohérence cardiaque … Il ajoutera même une petite dose Tai Chi et Qi Gong. Il saura subtilement tirailler sur votre membrane en tractant et en décoaptant l’articulation mais aussi en vous proposant avec des gestes actifs.
RENFO EN SECTEUR DISPONIBLE
MOBILISATION AU SEUIL DOULOUREUX
Il vous trouvera des exercices de renforcement dans les amplitudes disponibles. Vous pourrez d’ailleurs les décliner progressivement à la maison et en salle. Il est vrai qu’un petit rituel quotidien d’autorééducation à domicile se révèle très efficace en cas de capsulite. Et de la même façon, le sport participe activement à la récupération !
Emilie : Je vais avoir des médicaments ?
Le Doc : La phase inflammatoire et très douloureuse est passée. Il faut désormais prendre des compléments alimentaires aptes à assouplir votre membrane. Je vous propose du collagène, du silicium et de l’acide hyaluronique. Voilà qui ressemble à une prescription de cosmétologie mais les sacs articulaires et la peau se ressemblent. Et, on peut considérer la rétraction de la capsule comme une grosse ride …
COLLAGENE, SILICIUM, ACIDE HYALURONQUE
Emilie : On se revoit quand ?
Le Doc : Je vous propose une consultation tous les mois. Je mesure vos progrès en termes d’amplitude et de force, je vous encourage et je fais évoluer les consignes au kiné ainsi que votre programme sportif … Vous allez voir, tout ça va passer assez vite !
Même si Emilie ne s’appelle pas vraiment Emilie , ce cas clinique est authentique et emblématique ! Notre ravissante officier a récupéré totalement et un peu plus rapidement que dans les livres 😊 … grâce à son énergie, son courage et sa sérénité retrouvée …
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