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LA PRÉPA MARATHON C’EST TOUTE L’ANNÉE ! ... OU LA TENDINITE DU PSOAS N'EXISTE PAS

Dernière mise à jour : 9 févr. 2023


Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport et rédacteur en chef de www.docdusport.com


Thomas a 42 ans. Il vient de faire la marathon de Paris en 4H05. Il me consulte car il a mal à l’aine depuis qu’il a franchi la ligne d’arrivée. Depuis, la douleur s’est accentuée et il est gêné dans la vie quotidienne. Je discute avec lui pour prendre connaissance de son programme sportif en détail.


Le Doc : Dites-moi Thomas, hors préparation spécifique, à quoi ressemble votre semaine d’entraînement.


Thomas : Je suis très actif ! Je vais au boulot à vélo, environ 2 fois 20 minutes par jour … quand je ne télétravaille pas ! Je vais à la piscine le samedi et je cours le dimanche 30 à 45 minutes presque toutes les semaines.


PROGRAMME MARATHON INTERNET : PRUDENCE !


Mais, avant le marathon, j’ai suivi un bon programme de 12 semaines incluant 3 séances par semaine. Je n’ai sauté que quelques footings. J’ai validé la sortie de 2H30 … Je me sentais plutôt en forme !


Le Doc : Votre douleur survient dans quelles circonstances ?


Thomas : J’ai surtout mal quand je marche, non pas quand j’avance la jambe mais quand je la pose et que je pousse pour avancer … Etonnamment, je ne sens rien à vélo pour me rendre au bureau.


Le Doc : Est-ce que vous avez mal quand vous mettez vos chaussettes en position debout ?


Thomas : Ah oui ! C’est tout à fait vrai ! J’avais oublié car maintenant je m’assois pour les enfiler !


Le Doc : Vous souffrez sur la jambe que vous soulevez ou celle en appui ?


Thomas : Eh … je réfléchis … Du coté en appui ! Oui ! Incontestablement !


Le Doc : Vous avez vu des médecins ? Vous avez fait des images ?


Thomas : Oui. Mon généraliste m’a prescrit une IRM … j’ai une tendinite du psoas. Je viens pour que vous me proposiez le meilleur traitement. Je vous fais confiance.


Le Doc : Aie, la tendinite du psoas n’existe pas … en tout cas pas chez le coureur ! Vous avez sûrement une fracture de fatigue du col du fémur … et je suis sûr que votre compte rendu mentionne « œdème du petit trochanter »


Thomas : Eh ! oui, c’est exactement ça !


Le Doc : Allez Thomas, montrez-moi vos clichés … Oui ! En effet, vous des traces de souffrance en haut du fémur, à l’endroit où s’accroche le psoas, le muscle qui fléchit la hanche. Les radiologues interprètent souvent cette image comme un signe de tendinite d’insertion du psoas. Mais, cette blessure n’existe pas chez le coureur ! Les contraintes mécaniques sont trop faibles quand vous montez le genou, il n’y a pas le poids de corps ! D’ailleurs, en mettant vos chaussettes, vous n’avez pas mal à la jambe qui se plie vers le haut mais à celle qui reste posée au sol … celle qui supporte la charge et encaisse le déséquilibre du bassin …



LA TENDINITE DU PSOAS EST UNE FRACTURE DE FATIGUE DU FÉMUR … JUSQU’A PREUVE DU CONTRAIRE


De la même manière, en marchant, vous êtes gêné à l’appui mais pas quand vous balancez vers l’avant votre membre inférieur. A vélo, vous ne sentez rien alors que soulevez les genoux. Vous ne percevez pas de douleur car votre bassin est posé et stabilisé par la selle … et ne tord pas votre col du fémur ! De fait tous ces symptômes sont caractéristiques d’une fracture de fatigue du col du fémur. Il faut faire un scanner qui analysera plus finement votre structure osseuse.


Je revois rapidement Thomas avec son imagerie complémentaire. Comme prévu, elle confirme la fracture de fatigue du col fémoral. On voit bien les fissures dans la structure osseuse, comme une branche d’arbre qui aurait été tordue puis cassée. L’œdème vu à l’IRM correspondait au saignement dans les micro travées qui entourent la moelle osseuse, premier stade de la fracture de fatigue. En revanche, les lésions du gros cylindre osseux appelé diaphyse n’étaient pas encore apparentes ! L’IRM est l’imagerie idéale pour voir l’ensemble des tissus et même évaluer leur inflammation mais le scanner constitue l’examen de référence pour décrire la structure osseuse.


Thomas : C’est hallucinant ! Comment ai-je pu briser un os aussi gros ?


Le Doc : Vous avez cassé la zone oblique du fémur, à l’endroit où le gros cylindre de la cuisse fait un angle et s’oriente vers la profondeur du bassin pour atteindre la hanche. Cuisses et bassin ressemblent à la nef d’une église. Les fémurs sont les murs latéraux suivis des arceaux. Les hanches sont alors comparables au sommet de l’arche. C’est ainsi que votre bassin est parfaitement en équilibre !


L’APPUI SUR UNE JAMBE CISAILLE LE COL FÉMORAL


Cependant, l’appui sur une seule jambe correspond à l’effondrement de l’un des piliers … vous imaginez les contraintes en torsion sur celui qui subsiste ! Bien évidemment le corps s’adapte en renforçant les muscles fessiers stabilisateurs et en densifiant le tissu osseux.


Thomas : Et pourquoi n’ai-je pas bénéficié de cette densification osseuse ?


Le Doc : Votre entraînement habituel était insuffisant, votre préparation spécifique marathon trop courte et insuffisamment progressive. Il faut bien comprendre que le muscle est rouge, c’est-à-dire plein de vaisseaux sanguins, il progresse très vite ! A l’inverse vos tissus dits passifs, ceux qui transmettent les forces, les os et les tendons, sont blancs !


LES OS PROGRESSENT MOINS VITE QUE LES MUSCLES


Ils sont bien moins vascularisés et s’ajustent beaucoup plus lentement aux contraintes mécaniques. Ils présentent une importante inertie adaptative. Pour encaisser un programme dédié au marathon, il faut courir toute l’année au moins 3 fois par semaine. … Et ce depuis au moins 12 mois !


LA PRÉPA MARATHON, C’EST TOUTE L’ANNÉE


Thomas : Mais, cette fracture du fémur est une blessure exceptionnelle ?


Le Doc : Cette lésion n’est pas si rare ! Mais, comme on dit en médecine, pour faire le diagnostic, il faut y penser ! J’en vois beaucoup ! Ce peut-être, comme vous, à l’issue d’un programme internet ! Souvent, c’est un coach qui concocte à un cadre quinqua une prépa plutôt commando !


FRACTURE DE FATIGUE DU FÉMUR : UN CLASSIQUE DU COUREUR !


Parfois, il s’agit de sportives de haut-niveau, toutes minces et sans cycle menstruel … qui associent impacts de la vitesse et un équivalent de ménopause précoce !


Thomas : Alors ? Pourquoi la notion de tendinite du psoas est-elle si répandue ?


Le Doc : C’est vrai ! Dans d’autres contextes, on retrouve des tendinite du psoas. Cependant, il ne s’agit pas d’une pathologie de traction sur son point d’accrochage, le petit trochanter. C’est plutôt une lésion de frottements de la cordelette tendineuse sur un relief du bassin, au sommet de l’articulation de la hanche.


LA TENDINITE DU PSOAS : UNE PATHOLOGIE RARE DE FROTTEMENT


D’ailleurs, cette souffrance tissulaire est classiquement retrouvée après pose de prothèse, quand la pièce fixée dans l’os iliaque est placée un peu trop en avant … On est loin du marathonien !


Thomas : Bon ! Puisque j’ai une fracture de fatigue du fémur … quelle sera le traitement ?


Le Doc : Bien sûr, la prise en charge est spécifique ! D’où l’impérative nécessité d’un diagnostic exact ! Dans des cas exceptionnels, quand l’écrasement inférieur du col s’associe à une ouverture supérieure, il faut opérer pour éviter le déplacement de la fracture et la fermeture du col ! On place alors un clou dans l’axe du col fixé par une plaque à l’axe principal du fémur, la diaphyse. Heureusement, vous n’êtes pas concerné par cette complication ! On commence par des compléments alimentaires à visée osseuse pour aider la nature : calcium, silicium, vitamine D, collagène. Puis, comme pour toutes les fractures de fatigue, la « règle de la non douleur » s’avère bonne conseillère.


C’est l’appui sur une seule jambe qui cisaille le col. Au début, la marche peut faire souffrir et vous pouvez mettre des béquilles. Attention, pas de syndrome du « flamand rose », vous mimez le pas et vous faites glisser le pied. Vous augmentez rapidement la charge. Peu de temps après, je conseille à mes patients d’utiliser des bâtons de marche pour équilibrer le bassin. On passe alors du statut de blessé à celui de sportif qui reprend la forme ! C’est encourageant, c’est bon pour le moral ! Le plus souvent, en deux à trois semaines, vous marchez normalement !


Thomas : Et le sport ?


Le Doc : C’est plus simple que la vie quotidienne ! Pour stabiliser votre buste et faire disparaitre l’effet charnière sur votre col fémoral, il suffit de poser vos fesses sur une selle de vélo. Vous pouvez commencer ce soir ! Débutez par 20 minutes en aisance respiratoire puis augmentez progressivement la durée et l’intensité. Dans le même ordre d’idée, mais un peu moins stable, il est possible de prendre appui sur les deux jambes en même temps. Voilà qui décrit l’elliptique ou les squats ! A initier dans un mois environ !


VÉLO DÈS LE DÉBUT, ELLIPTIQUE ET NATATION A 1 MOIS


Attention, la natation n’est pas anodine. La brasse est possible rapidement. En revanche, les battements imposent une contraction simultanée des muscles de la cuisse qui écrase la hanche. Il vaut mieux attendre 3 à 6 semaines avant de reprendre le crawl.


Thomas : Quand puis-je envisager de recourir ?


Le Doc : Après 2 bons mois, vous testerez la marche en cote sur tapis. Vitesse modérée et moindre retombée de la jambe s’associent pour réduire les chocs. A 3 mois, le trottinement est possible. D’abord 5 minutes sur tapis en salle ou à l’extérieur avant d’enfourcher votre vélo. Et vous ajoutez 5 minutes à chaque sortie, un jour sur deux, tout en restant en aisance respiratoire.


MARCHE EN COTE A 2 MOIS, TROTTINE A 3 MOIS, FRACTIONNE A 4 MOIS


Les séances au seuil puis les fractionnés débutent à 4 mois. Je ferai un point avec vous tous les mois … Et je vous abandonnerai quand vous serez à 3 vrais footings hebdomadaires … pour le vie entière 😊 !

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1 Comment


Romaric Garcia
Romaric Garcia
Apr 04

Article intéressant et qui éclaire bien sur cette pathologie dont je soufre actuellement. Mon médecin lui m a interdit le vélo et autre sport pour 6 semaines, pourtant je peux déjà pratiquement marcher sans aucune gène.

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